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Demain n'existe pas
27 juin 2011

Esthétique de la cuite

A l’heure où Gorbatchev fait de la pub pour Louis Vuitton et où on peut acheter des cigarettes Che Guevara, peut-on encore croire en quoi que ce soit ? Y-a t’il encore des valeurs, des mythes auxquels se raccrocher ou est-on condamné à se promener dans notre brouillard spirituel que d’aucuns qualifieraient de petit-bourgeois ? Où trouver de quoi transfigurer notre existence ? Peut-être que la réponse n’est pas si loin. Souvent galvaudée, détournée ou diabolisée mais bien là.

De nos jours, transformer son corps est tout à fait accepté, que ce soit par la chirurgie esthétique, le botox ou le maquillage. Personne ne répondra « bouh, quel affreux déviant » si vous annoncez fièrement que vous vous êtes mis du fond de teint ce matin. Par contre si vous racontez à votre patron/parents/autres que vous vous êtes mis une cuite la veille, tout de suite ça passera moins bien. Evidemment, ça n’a pas toujours les mêmes effets secondaires mais là on où me parlera de l’empire que l’alcool peut avoir sur nous je répondrai par la dictature de l’apparence qui pousse des gens tout à fait bien à faire des régimes et à subir des opérations. Ce à quoi on me répondra qu’il y a un brin de mauvaise foi dans mon propos ce qui n’est qu’à moitié vrai. C’est pourquoi je revendique une esthétique de la cuite.

Beaucoup des œuvres modernes viennent des tréfonds de l’alcool, de Baudelaire à Hemingway. Pourquoi alors ne peut-on voir la beauté de la boisson ? On distinguera alors deux pratiques de boisson. La première est celle que nos amis de la perfide Albion ont dénommé le binge drinking et qui consiste en gros à boire le plus possible pour finir bourré. Je l’ai vu de mes propres yeux et voir la fille qui vous a dragué la moitié de la soirée partir à 23h30 parce qu’elle est malade n’est pas la chose la plus agréable du monde. De plus, cette pratique, en prenant l’alcool comme une fin et non comme un moyen et vulgaire et stérile. Tout ce qu’on y récolte est une absence de souvenirs et un bon mal de crâne. Autant se mettre direct les doigts dans la gorge, on évitera la gueule de bois carabinée du lendemain. On ne se permet pas d’étendre ses raisonnements, on s’enferme juste dans l’éthylisme de bas-étage. Boire avec l’ébriété comme finalité c’est un peu pour aller dans une église pour profiter des bancs : pas super agréable et on finit par attraper la crève. En buvant comme en priant on cherche la spiritualité et la paix de l’esprit, réussir à penser au-delà des carcans habituels serait-ce par la possibilité du divin ou tout simplement en dissolvant ces carcans dans un alcool de bonne qualité. En buvant trop, trop vite on dissout plus sa pensée que les limites et on finit en une espèce d’animal vomissant ses tripes sans bien comprendre ce qu’il nous arrive avec comme seul espoir qu’il ne nous reste pas trop de souvenirs le lendemain. Ce qui est, convenons-le, assez loin de la plupart des conventions esthétiques bien qu’on puisse y voir la beauté du chaos mais ce n’est pas le sujet ici.

En changeant légèrement ses habitudes on peut entrapercevoir l’esthétique de la cuite, cette poésie de l’instant dans la brume de quelques bières. In vino veritas comme le dit le proverbe, l’alcool nous aide à changer notre discours et notre façon de réfléchir, nous affranchir de l’habitude et oublier le si terrible demain, réfléchir d’une façon toute à fait anti-demainiste donc. Il s’agit parfois juste de se rendre compte de la perfection d’un moment, de voir que tout est ajusté, en place et que l’instant ne mérite ni coupe ni rajout, savoir apprécier le moment est une chose importante qui en découle, un verre d’alcool, de la musique agréable et quelques amis, a-t’on vraiment besoin d’autre chose ? Des putes et des poneys oui évidemment, mais ça c’est une constante. On a toujours besoin de putes et de poneys.

De plus, une consommation bien dosée, en libérant le discours nous aidera aussi à nettoyer notre pensée, à récurer le cerveau et à lui enlever toutes les impuretés qui l’encombrent habituellement, qui nous plombent mais je sens que je commence à me répéter. J’ai parlé tout à l’heure de la spiritualité de la cuite, je vais revenir là-dessus. Une soirée alcoolisée est un parcours initiatique, une purification qui vaut bien un pèlerinage dans je ne sais quelle région paumée ou des rites pseudo-chamaniques à base de yoga et de feng shui. La nuit passe dans un état brumeux et le matin arrive avec la délivrance. La gueule de bois est alors un vrai acte rédempteur, la libération finale avec le levé du soleil.

C’est pour avoir la chance de se rendre compte de la beauté de ces moments que je plaide pour qu’on se rende compte de l’esthétique de la cuite, que les autorités se rendent compte de son utilité et que nous sachions enfin voir la perfection de l’instant.

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Commentaires
Demain n'existe pas
  • L'anti-demainisme c'est un tiers d'existentalisme, un tiers de nihilisme et un bon tiers d'hédonisme. Cinq minutes au four, vous rajoutez des séries et des commentaires divers et paf, ça vous donne Demain n'existe pas!
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